Le Barnet Football Club a été secouru in extremis. Un groupe d'industriels de la banlieue nord de Londres a permis de réunir les fonds nécessaires pour faire en sorte que Barnet ne soit pas rayé de la carte du football. Et, sur la pelouse en pente douce d'Underhill, les Bées les Abeilles du Barnet luttent, match après match, pour leur survie. A Londres, la passion est toujours venue à bout des pires difficultés. Aucun club professionnel de la ville n'a jamais disparu. Car, au-delà des traditions, l'extraordinaire enracinement du football dans la société londonienne, conjugué à la fidélité sans faille des supporters (aller au stade coûte pourtant cher, en moyenne une fois et demi plus qu'en France), est le garant de la pérennité des clubs, véritables institutions. Londres est la famille nombreuse du football. Avec 13 clubs professionnels concentrés dans un tissu urbain plus étendu et moins peuplé que l'agglomération parisienne (7,5 millions d'habtents contre 9,5 millions à Paris), la capitale anglaise offre un visage unique au monde. Et gare à celui qui ose bousculer l'ordre établi! Lorsque, en 1982, fut suggérée une fusion entre Fulham et Queens Park Rangers, les supporters de chacun des deux clubs occupèrent durant vingt minutes la pelouse de leur stade en signe de protestation. Et lorsque Sam Hammam, le Monsieur Wimbledon d'origine libanaise, proposa de fusionner avec Crystal Palace pour donner naissance à un super-club du sud de Londres, les fans, une fois encore, réagirent avec vigueur. Ceux de Crystal Palace, notamment, envoyèrent un message sans équivoque à Hammam: -Si vous croyez que vous pouvez acheter Palace, les rues de Beyrouth vous paraîtront bien tranquilles à côté de ce qui se passera ici!".
On ne veut pas de Wimbledon. Depuis son ascension météorique, des bas-fonds de la Vauxhall Conférence au Paradis de la D1, en passant par une surprenante victoire en Cup (1988), le club, surnommé le Crazy Gang, a mauvaise presse. Ils sont complètement fous! , rigole-t-on aux quatre coins de Londres. Et de rappeler, pêle-mêle, les épouvantables exploits du défenseur Vinnie Jones, «le plus grand voyou du football anglais» ou ceux, moins violents et plus comiques, du manager Joe Kinnear. Ce jovial Irlandais avait pour habitude, les veilles de match, de mettre ses joueurs au vert... dans un pub. Il leur demandait aussi, au terme de chaque rencontre, d'élire le «plus mauvais homme du match». Le malheureux était ensuite contraint d'assister, au Théâtre National, à la représentation d'un drame de Tchekov, "Oncle Vania», qualé par les critiques de «spectacle le plus ennuyeux de Londres". Baroque Wimbledon Football Club qui, aujourd'hui encore, établit son budget prévisionnel sur la base de... zéro spectateur de moyenne, faisant de chaque entrée payante un «bonus» bienvenu. A défaut de fusion, Crystal Palace et Wimbledon se contentent de partager le même stade (celui de Wimbledon, le vétusté Plough Lane, n'est pas aux normes), tout en se méprisant cordialement. Selhurst Park, où s'illustra le célèbre «karatéka» Eric Cantona, est d'ailleurs le squatt favori des clubs en rupture de domicile. Avant Wimbledon, qui espère construire son «chez lui» à Merton, Charlton Athletic y aval déjà élu domicile, à la fin des années 80, en attendant de récupérer son enceinte chérie, The Valley. La formidable abnégation dont ont fait preuve les sympathisants de Charlton, menant un combat forcené pour faire revivre leur stade, témoigne des valeurs fondamentales du football à Londres où, plus que nulte part ailleurs, ce sport, véritable identité socio-culturelle, est ancré dans le cœur, l'âme et le corps des supporters.
Inauguré en 1919 (avant Wembley), The Valley avait voulu être le plus grand stade d'Angleterre, promis aux rencontres de la sélection nationale et aux finales de Cup. Il n'y eut jamais rien de cela. Soixante-dix ans après, abandonné et envahi par les herbes folles, il n'était plus qu'une ruine pitoyable. Le club, la mort dans l'âme, avait dû émigrer, d'abord à Selhurst Park puis à Upton Park, fief de West Ham. Trop «eux, trop dangereux, The Valley état promis à la démolition. Pour les élections locales de 1990, les fans créèrent alors leur propre parti, «The Valley Party», qui recueil 14 838 votes, trois fois plus que les Ecologistes et deux fois plus que les Libéraux-Démocrates! Le permis de construire fut délivré onze mois plus tard. Et, lorsqu'il s'avéra que le montant des travaux était supérieur aux prévisions, ils mirent la main à la poche, amassant près d'un million de francs. Le 5 décembre 1992, après sept ans d'exil forcé, Charlton Athletic était de retour à The Valley, le stade de l'amour» .
Tapi à l'ombre de l'autoroute M4, ceinturé par des enfilades de maisonnettes sans charme, Griffin Park, le stade du Brentford Football Club , n'offre pas un visage spécialement accueillant. Brentford est pourtant le club le plus 'familial» de Londres, celui qui, le mieux, a su répondre aux demandes de son public, s'intégrant parfaitement à la communauté avoisinante. Ici, dit-on avec emphase, «le football est l'opéra du peuple», ajoutant que Griffin Park est «la maison de campagne-dés habitants de ce modeste quartier ouvrier. Chacun des joueurs ayant porté le maillot rayé rouge et blanc, qu'il s'appelle Paul Merson (ex Arsenal) ou Rod Stewart (oui, la star du rock: il y a été Apprenties stagiaire), se souvient avec tendresse de ces moments d'exception. Chacun de ceux qui le servent aujourd'hui, imprégné de la philosophie du club, est notamment impliqué dans des programmes d'entraînement mis en place dans divers établissements scolaires de Londres. «Dans certains quartiers, on a trouvé des gosses qui n'avaient jamais entendu parler de nous, raconte un dirigeant. Maintenant, ils nous connaissent. Et même si c'est pour dire «Mon équipe préférée, c'est Arsenal, mais ma deuxième, c'est Brentford», c'est déjà un succès pour nous. Plusieurs de ces enfants sont venus voir un match à Griffin Park, ils ont eu une idée de l'atmosphère qui y règne. Et ils sont revenus». En quelques années, Brentford a muRiplié par deux sa moyenne de spectateurs. Pas seulement grâce aux bons résultats obtenus sur le terrain...
S'inspirant ce cette politique du football in the Community , Millwall a réussi sa mutation. Premier club du pays à changer sa cutture, Millwall a enfin compris qu'un samedi après-midi ne se limitait pas à une heure et demie de match. Conscient du rôle éducatif et social qu'il pouvait jouer dans une banlieue sensible, le Millwall Football Club s'est attaché à «civiliser» ses fans (classés parmi les plus violents), tout en s'impliquant activement dans la lutte contre le racisme. Des joueurs de couleur se rendent dans les écoles, afin de sensibiliser les enfants au problème. D'autres apportent leur concours à des stages ou des tournois de foot. Millwall, dont le terrain fut suspendu à moult reprises; Millwall qui, il n'y a pas si longtemps, chantait encore la gloire d'Harry Cripps, dit «le chien» (un tacleur fou qui détient le record anglais de jambes brisées), soigne aujourd'hui son image. «Transformer un club dont les fans hurlaient autrefois "Personne ne nous aime mais on s'en fout!" en un véritable club communautaire est la clé de la survie du Millwall FC», lit-on dans «Soccer City». Le travail commence à porter ses faits. Mas il reste du pain sur la planche.
L'arrogance est l'apanage de Londres. «Ici, on est persuadés d'être les meilleurs, d'être le cœur du football anglais-, explique un observateur. Le Chelsea FC a même poussé plus bin l'art du nombrilisme: géographiquement proche du centre-ville, il s'est toujours considéré comme la véritable entité du football londonien. Cultivant avec soin une agaçante suffisance, il symbolise ce qui fait à la fois la force et la faiblesse des clubs anglais: leur tranquille assurance, leurs convictions profondes, le poids de l'histoire et des tradrtions. -Chelsea is more.», clament les mordus. Parfaitement dans le ton, une grande marque d'électronique avait d'ailleurs passé la pub suivante, il y a sept ans, dans un magazine de la capitale: -Commodore sponsorise déjà Tessa Sanderson, le Chelsea FC et une équipe de football, le Bayern Munich». C'était superbe. C'était à Londres.
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