Sunday, October 2, 2011

P.L. 2011 2012 The North London Derby Tottenham Arsenal

2 October 2011
White Hart Lane,
London


 Ashley Young aurait pu être la recrue de l'été pour Arsenal. Un bain de jouvence, et pas seulement à cause de son patronyme. Ashley Young est né à Stevenage, à quelques minutes de London Colney, le centre d'entraînement d Arsenal. Gamin, il a grandi dans le culte des Gunners et de son idole, lan Wright. Cet été, le joueur d'Aston Villa nu à pied de Birmingham jusqu'à l'Emirates. Mais il a signé à Manchester United. Et c'est sous le maillot des Red Devils qu'il a inscrit deux buts magnifiques à Arsenal dans ce qui restera pour le club londonien l'équivalent de la Saint-Barthélémy pour les protestants français. 


 Deux frappes enroulées à la Thierry Henry. Deux coups de poignard pour un massacre. Ashley Young (26ans) est pourtant un international anglais. Mais Arsène Wenger ne recrute jamais dAnglais, ou alors pas encore internationaux. Il a bien tenté le coup avec Phil Jones cet hiver, mais Arsenal, qui proposait 10 M€ à Blackburn, a refusé de s'aligner sur les 12 M€ demandés. Le joueur est parti pour 19 M€ cet été à MU, où il brille en défense centrale, le point faible des Gunners. Depuis 1996 et son arrivée au club, l'Alsacien n'a fait venir que trois représentants ilu Royaume qui dépassaient les vingt ans: Richard Wright (23ans,Ipswich), Francis Jeffers (20 ans et six mois, Everton) et Sol Campbell (27 ans, Tottenham), tous en 2001. Une époque où il disait : « Il faut réangliciser le vestiaire. » Wenger recrute aussi rarement dans les autres clubs anglais, du moins ceux de Premier League. Il se sert éventuellement à Southampton (Walcott, Oxlade-Chamberlain) ou à Charlton (Jenkinson, finlandais par sa mère). Et les recrues arrivent parfois dans le nord de Londres en métro ou en taxi pour la bonne raison qu'elles n'ont pas l'âge de conduire, comme ce fut le cas pour Jack Wilshere.
Il est vrai que Wenger a eu à se coltiner, à son arrivée, quelques cas gratinés de piliers de pub, comme Tony Adams, Ray Parlour, John Hartson ou Paul Merson. Il leur a donc préféré les Français (28 au total) ou les joueurs de Ligue 1, comme Gervinho ou Park tout récemment. Une recette qui a longtemps fait ses preuves, mais qui fit dire à un confrère anglais qu'Arsenal était « la 2l1' équipe de Ll ». Le problème, c'est que l'épicerie de luxe d'antan, d'où vinrent les Henry, Petit, Anelka, Vieira, Pires et autres Nasri, semble être devenue une supérette discount. Mais on en reparlera. Que dire du recrutement estival d'Arsenal ? Qu'il a été fait dans l'urgence relève de l'euphémisme. Une urgence dictée par les résultats de six derniers mois catastrophiques (2victoires, 7nuls, 5 défaites lors des 14 derniers matches de Championnat) davantage que par les circonstances (blessures, suspensions), auxquelles un grand club doit normalement être préparé. 

 Mais Arsenal avait-il, telle la bonne ménagère, dressé sa liste de courses pour aller faire son marché? Pas sûr. On dira donc qu'Arsenal a fait les soldes. Et le problème des soldes, c'est que les bonnes affaires se font plutôt au début, pas à la fin. Sous la pression, Wenger est allé chercher cinq joueurs dans les dernières heures du mercato, dont deux en Premier League : Arteta (Everton) et Benayoun (Chelsea). Un Basque (ex-PSG) et un Israélien. À l'agonie financièrement, Everton était contraint de vendre le premier. Le second, lui, n'est plus un titulaire à part entière depuis son départ de West Ham en 2007. Et si Mertesacker (Werder Brème), Park (Monaco) et André Santos (Fenerbahçe) apportent enfin quelque expérience, ils vont aussi devoir s'adapter à un nouvel environnement. Dans l'urgence là aussi. On se demande vraiment à quoi servent Steve Rowley, Gilles Grimandi et tous les excellents scouts qui bossent toute l'année pour Arsenal ? Arsenal est en souffrance. Les Gunners n'ont pas connu un début de Championnat aussi catastrophique (un point en trois rencontres et une 17° place en Premier League) depuis vingt ans. Ils ont besoin d'un nouvel élan, et le constat ne date pas des dernières semaines. Leur dernier titre de champion remonte à 2004. Le dernier trophée (la Cup) à 2005. Arsenal s'essouffle, par manque de vent, de dynamisme. Les lauriers ne refleurissent plus, et son histoire moderne, qui épouse la trajectoire de son manager, commence à ressembler à celle de ces chanteurs dont la discographie ne s'enrichit plus que de best of.
Qu'on le veuille ou non, Arsène et Arsenal sont devenus des synonymes. Dans.le succès comme dans l'échec. Sans doute parce que le premier a redonné au second le lustre qu'il n'avait plus au milieu des années 90. À cette époque, qui semble si lointaine, Arsenal était boring, c'est-à-dire chiant à voir jouer. Devenu manager, George Graham, un des joueurs cultes de l'histoire des Gunners, en avait fait une équipe rugueuse et opportuniste. Victorieuse parfois, mais cynique et barbante. Wenger, lui, fut un nouveau Herbert Chapman. Un révolutionnaire. Ses méthodes d'entraînement, de diététique, son talent de formateur mais aussi son charisme feront fi de la di'lcnnv (Arsène who?) qui accompagnait son intronisation. Tres vite, Wenger s'est imposé, au propre comme au figuré, car seules les victoires appellent la respectabilité. Au pays qui inventa le football, il est devenu « le Professeur ». Un surnom qui en dit long sur la considération dont il jouit aujourd'hui.

Avec Manchester United, Arsenal a régné sans partage sur la Premier League de 1996 à 2004. L'année charnière. C'est en effet cette saison-là qu'est arrivé en Angleterre, à Chelsea plus précisément, un certain José Mourinlm Le Portugais et l'Alsacien ne s'apprécieront sans doute jamais, tant leurs standards et leur vision du football semblent aux antipodes les uns des autres. Le premier est retors et n'aime que la victoire quand le second se veut romantique et chérit le beau jeu. Deux philosophies opposées. Seulement voilà, c'est Mourinho qui a gagné (champion en 2005 et 2006). Et qui a changé la donne. « Je ne crois pas beaucoup dans le leadership. Sur le terrain, je préfère voir une belle passe qu'un gars qui s'agite et joue au chef», observait Wenger en 2008. Tout l'inverse de Mourinho. Le problème pour Wenger, c'est que Mourinho a fait des émules, quand on ne parle pas d'influence. À Manchester, par exemple, où les préceptes de Ferguson étaient plus proches de ceux de Wenger, Mais sir Alex, qui n'avait plus gagné depuis 2003, a commencé à s'inspirer davantage du Portugais que du Français. Il n'y a qu'à voir comment il jouait le MU de la saison passée pour en être persuadé. Gagner sans régaler, mais gagner avant tout. Loin de la doctrine Wenger.  

  Le passage de Highbury à l'Emirates pèse lourd dans la situation actuelle. A la fois dans le soutien populaire, plus aussi chaleureux, plus «corporate», mais surtout dans le changement de philosophie du club. D'un chasseur de titres, Arsenal est devenu un braconnier de liquidités, pour rembourser ses emprunts. Les Gunners génèrent désormais des bénéfices, mais plus des trophées. Leur priorité n'est plus la même. À ce changement de politique, Wenger a été contraint de s'adapter. Et l'adaptation n'est peut-être pas sa qualité principale. Comme le dit notre confrère Kevin McCarra dans le quotidien The Guardian, « le Français semble depuis à la merci des événements au lieu d'en être aux commandes». Là où un Wenger a paru se figer, se murer dans un jeunisme d'obédience, un Ferguson a ajusté ses principes. Lui aussi aime la jeunesse . Mais il sait qu'il n'aplus forcément le temps de la former, que la victoire se reflète désormais autant sur les parchemins que dans les livres de comptabilité. Alors il est allé chercher une jeunesse opérationnelle: Wayne Rooney (arrivé à 18 ans), Cristiano Ronaldo (idem), Carlos Tevez (à 23 ans), Chicharito (22 ans), Phil Jones aujourd'hui (19 ans). Une fraîcheur qui, entourée de l'expérience des Keane, Beckham, Neville, Scholes, Giggs, Ferdinand, Vidic, Évra, a perpétué l'héritage des Cantona, Bruce, Hughes, Robson, Schmeichel. 

 Depuis 2004, Wenger est allé chercher Koscielny, Squilacci, Song, Flamini, Adebayor, Chamakh. L'Alsacien n'aime pas le leadership donc, le leadership individuel s'entend. Il n'aime pas non plus les caractères, comme ceux de Joey Barton (qu'il aurait pu avoir pour rien cet été), plus durs à gérer. Mais son équipe en manque terriblement aujourd'hui. Au dire de Tony Adams, qui lui doit pourtant d'être redevenu le grand joueur qu'il n'était plus, « Wenger n'est pas forcément un grand coach, ni un grand motivateur». Adams aurait sans doute été plus utile comme assistant que comme critique, et il rêvait de l'être au côté de Wenger. Comme Dennis Bergkamp, désormais adjoint de Frank de Boer à l'Ajax, ou Patrick Vieira, qui joue un rôle important dans la construction du nouveau Manchester City. Tous des anciens Gunners. Tous des futurs tauliers. Plus le temps est passé, plus Wenger semble s'être réfugié dans ses certitudes, celles de ses triomphes passés. Comme s'il voulait avoir raison pour l'éternité avec les mêmes idées. Mais le monde a changé, celui du football encore plus que les autres, même au pays des traditions...

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