3 march 1976
Simferopol ,
Kiev
Attendance 40.000
Simferopol ,
Kiev
Attendance 40.000
Les champions de France ont réussit l'un des plus beaux coups de main de leur carrière européenne en éliminant le terrible, le redouté, le diabolique Dynamo Kiev de Blokhine. L'affaire ne s'est pas faite aisément et il a fallu, une nouvelle fois, que Saint-Etienne sorte tout l'arsenal de sa ferveur pour réussir là où le Bayern avait échoué à l'automne. Quand vient l'heure du match aller, le 3 mars 1976, en terre soviétique, il ne manque pas un bouton de guêtre à l'organisation stéphanoise. Jamais un affrontement européen n'a été préparé aussi minutieusement. Pierre Garonnaire, le « grand intendant » du club a promené sa caméra en Yougoslavie, à Cologne et ailleurs pour espionner Dynamo Kiev en matches amicaux. Tous les joueurs ont pris l'avion pour Nantes le 24 février afin d'observer à l'oeil nu leurs impressionnants adversaires. Et l'élimination de l'A.S.S.E. en trente-deuxièmes de finale de la Coupe de France a libéré à tel point son calendrier que neuf jours pleins ont pu être consacrés à la préparation du match-aller contre le champion d'U.R.S.S.
Les Stéphanois pourtant, ne savent pas très bien où ils vont. Dynamo Kiev n'a joué que sept matches amicaux en deux mois (le championnat d'U.R.S.S. étant interrompu par l'hiver) et n'a jamais montré son véritable visage au cours de ces rencontres sans signification. Quelle est exactement la condition physique des joueurs soviétiques ? Oleg Blokhine et Onitchenko, les deux terreurs, sont-ils complètement rétablis et compétitifs ?
Ce que l'on sait, c'est que Dynamo Kiev ne ressemble à aucune des équipes soviétiques vues précédemment. Aux anciennes et traditionnelles vertus du football d'U.R.S.S. (condition et activité physiques parfaites, frappe de balle, simplicité de gestes), Dynamo a ajouté une finesse technique, une vivacité, une fantaisie très inattendues, confiant même à deux ou trois individualités exceptionnelles le soin d'enrichir la collectivité. On retrouve en fait dans cette équipe le caractère spontané et enjoué des Ukrainiens, véritables méridionaux de l'immense territoire soviétique, aimant jouer et s'amuser.
Ce que l'on sait, c'est que Dynamo Kiev ne ressemble à aucune des équipes soviétiques vues précédemment. Aux anciennes et traditionnelles vertus du football d'U.R.S.S. (condition et activité physiques parfaites, frappe de balle, simplicité de gestes), Dynamo a ajouté une finesse technique, une vivacité, une fantaisie très inattendues, confiant même à deux ou trois individualités exceptionnelles le soin d'enrichir la collectivité. On retrouve en fait dans cette équipe le caractère spontané et enjoué des Ukrainiens, véritables méridionaux de l'immense territoire soviétique, aimant jouer et s'amuser.
Mais ce qui frappe encore plus quand on regarde Dynamo, c'est son style de jeu original basé sur trois ou quatre idées-forces : le regroupement constant autour du porteur du ballon, la progression en triangle, les courses en profondeur des joueurs venus de l'arrière, les longs renversements latéraux qui épuisent les défenseurs adverses. Dynamo ressemble à un chat observant sa proie prise au piège : patte de velours au milieu du terrain, la balle allant et venant avec une grande sûreté technique ; coups de griffe portés à la vitesse de l'éclair par de remarquables tirs à distance ou par des jaillissements d'Onitchenko ou Blokhine. Blokhine, c'est la superstar de Dynamo Kiev, l'Ukrainien volant, l'ailier gauche des temps modernes, l'idole de toutes les Russies. Jeune cheval qui s'ébroue avec des mouvements de crinière blonde, il a du pur-sang l'allure, la vitesse et le goût des grands espaces. Une sorte de Cruyff plus athlétique qui pourrait courir le cent mètres en moins de dix secondes cinq dizièmes avec six mois de préparation spécifique. Heureusement pour le football, Blokhine a préféré le ballon rond à la cendrée des pistes. Il n'a pas perdu au change d'ailleurs en devenant le premier grand sportif d'U.R.S.S. à bénéficier du Star-system occidental. Sa voiture Volga Sport dernier modèle (5 millions d'A.F.) provoque remous et curiosité sur son passage dans les rues de Kiev.
En contribuant personnellement à battre le Bayern dans la Super-Coupe, Blokhine a conquis l'Europe au point d'obtenir, treize ans après le fameux Lev Yachine, le Ballon d'or européen de France-Football 1975 . Beckenbauer a dit de lui : « Nous n'avons jamais joué contre un attaquant aussi doué dans tous les domaines. » Le danger numéro un pour Saint-Etienne, c'est donc Blokhine. Pour tenter de le neutraliser, Robert Herbin a fait appel à son Kamikaze de service, à l'homme des missions impossibles, à sa panthère des îles : Gérard Janvion, pour vous servir. Gérard, en vitesse pure, est le plus rapide des Stéphanois. Sa détente, sa souplesse, sa dureté (dans le bon sens du terme) en font un arriére redoutable qui ne doute de rien et surtout pas de lui-même. Après avoir vu Blokhine en action à Nantes, Janvion a déclaré de manière péremptoire : « Jusqu'alors, il me faisait peur. Maintenant, il ne m'impressionne plus. Il est sans doute plus rapide que moi mais ma rapidité d'intervention le gênera dans ses contrôles de balles. » Dynamo Kiev joue de manière remarquable. Montant vite sur le porteur français du ballon, comme au rugby, les joueurs soviétiques écrasent au bulldozer les velléités stéphanoises. Larqué en personne est broyé par la machine. Il n'est pas le seul. A la 21e minute, sur un corner de Matvienko, Curkovic repousse du poing le ballon aux vingt mètres, juste dans l'axe de son but. La punition vient aussitôt d'une sensationnelle reprise de volée de Konkov : le ballon, effleuré par Bathenay, trompe le gardien stéphanois.
Le ton monte évidemment. Les champions de France se battent généreusement mais la défaillance technique de l'équipe au niveau des dribbles, des contrôles et des passes, rend leur tâche surhumaine. Les demis stéphanois ne trouvent pas leurs distances au point que Larqué, dégageant en corner, ouvre le front de Farison d'un malheureux coup de godasse. On voit alors Curkovic et Larqué s'invectiver méchamment, preuve que la sérénité n'est pas au rendez-vous. Les Soviétiques profitent de la situation mais pas autant qu'on pourrait le craindre. Sur un coup franc de Veremejev renvoyé par le mur stéphanois (54e minute), Blokhine porte le score à 2—0. Curkovic a semblé mal placé mais c'est lui qui, grâce à quelques audacieux plongeons, va maintenir l'écart à ce niveau raisonnable. Devant, Rocheteau subit un traitement de choc au point que Herbin, lèvres pincées, déclare à la conférence de presse : « Je regrette que Dynamo ait versé dans un excès de virilité. » L'agressivité du coach surprend. 0—2, ce n'est pas la mort, mais devant une équipe comme Dynamo Kiev, cela semble irrémédiable. Le style de jeu de l'équipe soviétique ne convient-il pas à merveille au genre de match qu'il faudra jouer à Saint-Etienne, pour préserver l'avantage pris à Simféropol ? Curkovic ne dit-il pas : « Kiev est Tinter nouvelle version. Beaucoup de points communs unissent ces deux équipes : Blokhine c'est Jaïr, Mazzola c'est Burjak, Corso c'est Kolotov. C'est la même défense de fer, la même intensité au milieu du terrain. Mais Kiev joue dix fois plus vite que l'inter des grandes années. Voilà la différence. »
France-Soir souligne durement la mauvaise option de Saint-Etienne en Crimée : « L'initiative fut soviétique à Simféropol. Car les Stéphanois en décidèrent ainsi. Ils abandonnèrent le ballon, et le terrain, à Dynamo Kiev. Ils se contentèrent d'une position de repli, d'un football d'attente inhabituel. Saint-Etienne a présenté un visage nouveau, presque insolite... Saint-Etienne a oublié pour une soirée sa personnalité. Saint-Etienne est tombé, cette fois, dans l'erreur. » Et France-Soir ajoute : « Il reste quinze jours à Saint-Etienne. Pour préparer l'impossible... Car une nouvelle fois Saint-Etienne aura rendez-vous avec l'exploit à Geoffroy-Guichard, son stade miracle. » Les frères Revelli ne sont pas d'accord avec l'analyse faite. Hervé dit : « Si nous avions joué, la fleur au fusil, comme d'habitude, nous aurions encaissé trois ou quatre buts. Nous pouvons nous qualifier au match retour. » Patrick ajoute : « Les Russes sont comme on les attendait, très forts, fébriles aussi dès qu'on les presse. Il y a eu des trois contre trois où ils ne brillaient pas. Défense centrale couci-couça. C'est par là qu'il faudra passer. Un vrai pressing comme on sait les faire. Ce sera moins dur que Split. » En effet, éliminer les champions soviétiques de Kiev, l'équipe qui a dominé et terrassé le Bayern de Munich lors de la finale 1975 de la Super Coupe, et super favoris de la compétition grâce au génial Blokhine ( ballon d'or 1975 ), paraîssait aux yeux de tous comme une tâche insurmontable. "On ne pouvait pas tomber plus mal" ronchonne d'ailleurs Hervé Revelli.
Buts:
Bathenay (21ème csc).Blokhine (55ème) pour Kiev.
Dynamo Kiev : Rudakov - Trochkine, Zuinguinstsev, Fomienko, Rechko, Konkov, Kolotov, Vieremiejev - Onitchenko, Burjak, Blokhine.
ASSE : Curkovic - Janvion ( puis Repellini, 75e), Piazza, Lopez, Farison - Larqué, Bathenay, Synaeghel - Rocheteau, H.Revelli, P.Revelli ( puis Schaer, 75e)
Bathenay (21ème csc).Blokhine (55ème) pour Kiev.
Dynamo Kiev : Rudakov - Trochkine, Zuinguinstsev, Fomienko, Rechko, Konkov, Kolotov, Vieremiejev - Onitchenko, Burjak, Blokhine.
ASSE : Curkovic - Janvion ( puis Repellini, 75e), Piazza, Lopez, Farison - Larqué, Bathenay, Synaeghel - Rocheteau, H.Revelli, P.Revelli ( puis Schaer, 75e)
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